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9 juin 2012 6 09 /06 /juin /2012 16:21
Les capitaux désertent la Belgique à cause du climat fiscal incertain. Sur les 6 derniers mois, la fuite porte sur des dizaines de dossiers de plusieurs millions d’euros chacun.
Au cours des six derniers mois, des dizaines de grosses fortunes ont quitté la Belgique. Les montants exacts ne sont pas connus, mais on cite des patrimoines parfois supérieurs à 25 mil- lions d’euros par dossier. La majorité des Belges nantis qui ont franchi le pas sont des entrepreneurs qui ont vendu leur entreprise. Mais c’est aussi le cas de jeunes chefs d’entreprises et de titulaires de professions libérales en quête d’un climat fiscal plus stable pour leur entreprise. "On a connu le pic de nervosité l’an dernier, durant lesnégociations gouvernementales explique Mathieu Ex, avocat fiscaliste et associé chez Greenille.
Enorme demande
Un nombre record de personnes se renseignent dès lors sur une éventuelle émigration fiscale. "Plus de la moitié de nos clients, pour la plupart des particuliers fortunés et des familles, nous posent cette question" poursuit Mathieu Ex. Erik Sansen, avocat fiscaliste chez Cazimir évoque une "demande énorme": "Nous recevons en moyenne deux à trois coups de fil par semaine de personnes qui envisagent de déménager leur patrimoine à l’étranger, ou carrément d’émigrer."
C’est principalement la politique fiscale du gouvernement qui motive ce mouvement: la hausse du précompte mobilier et la loi anti-abus(1) qui vise notamment les constructions usufruit et les sociétés de management(2). Le choix ne manque pas. C’est plus qu’un simple mécontentement. "Il s’agit d’incertitude juridique" estime Alain Van Geel, associé chez Tiberghien. "Les PME s’installent au Luxembourg ou aux Pays-Bas avec leurs nouveaux investissements, car là-bas, elles peuvent obtenir un ruling en quelques semaines et sont certaines qu’il ne sera pas remis ensuite en question par les autorités fiscales, comme cela se passe hélas chez nous". Les familles aussi déménagent une partie de leurs avoirs. Van Geel: "Pas parce qu’elles ne veulent pas payer d’impôts les entreprises luxembourgeoises et néerlandaises sont aussi taxées mais parce qu’elles recherchent un environnement stable pour les quelques millions d’euros qu’elles ont mis de côté pour leurs investissements ou pour leurs enfants."
L’émigration fiscale n’existe plus
La plupart des candidats au départ ne passent toutefois pas à l’acte: "Nous leur expliquons clairement que le concept ‘d’émigration fiscale’ n’existe pas poursuit Mathieu Ex de Greenille. Seuls ceux qui déménagent vraiment et coupent les liens avec la Belgique, peuvent bénéficier d’un autre régime fiscal sans souci."
Dès que les candidats-émigrants l’ont compris, leur enthousiasme retombe. La plupart du temps, ils souhaitent savoir si cela a du sens de placer leur patrimoine à l’étranger. "Mais cela apporte finalement peu de valeur ajoutée au plan fiscal car un Belge riche est aujourd’hui imposé sur son patrimoine mondial", dit Mathieu Ex. L’amélioration des échanges d’informations permet au fisc d’appliquer effectivement cette taxation. "En pratique, seuls les patrimoines supérieurs à 25 millions d’euros bénéficieront d’une pression fiscale moindre et trouveront la discrétion recherchée", estime Mathieu Ex.
Et cela, alors que l’anonymat est possible à l’intérieur des frontières. "De plus en plus de personnes investissent dans des entreprises, dans des produits de la Branche 23, ou des fonds de capitalisation, et paient directement les 4% pour rester anonymes, même s’ils n’en sont pas redevables", observe Anton Van Zantbeeck, avocat fiscaliste chez Rivus qui a des bureaux à Bruxelles, à Gand et Sion (Suisse).
Fraude au domicile
Les solutions intermédiaires, comme émigrer au Luxembourg, sont déconseillées. Passer la frontière chaque jour pour gérer son entreprise, signifie que le "siège du patrimoine" ne coïncide pas avec la résidence fiscale. "Il faut y habiter réellement. Venir passer ses week-ends en Belgique peut être considéré comme une fraude au domicile", explique Erik Sansen. "L’inspection des finances est à l’affût, à juste titre, et peut, par exemple, surveiller l’ancienne résidence".
Règles luxembourgeoises
Le Grand Duché de Luxembourg est le gagnant toutes catégories des destinations fiscales. "Nous demandons d’abord quelles sont les préférences personnelles de nos clients, et nous regardons ensuite quels sont les pays susceptibles de répondre à leurs besoins fiscaux" explique Sansen. Le Luxembourg n’est a première vue pas intéressant pour les rentiers; les taux officiels sur les revenus du capital y sont très élevés. "Mais il est possible de négocier des accords de ruling avec le fisc. Et il est proche de la Belgique. L’Autriche et la Suisse appliquent des taux intéressants sur les droits de succession et de donation, mais l’impôt sur le revenu est élevé. L’Espagne a introduit une nouvelle taxe sur le patrimoine début 2012. En France, un impôt frappe les patrimoines supérieurs à 1,3 million d’euros."
Emigrer corps et biens n’est pas une solution pour tout le monde, insiste Sansen. "C’est une étape qu’il ne faut pas sous-estimer, vu son impact sur la vie sociale. Mais beaucoup de médecins et de jeunes entrepreneurs préfèrent aujourd’hui travailler et investir à l’étranger plutôt qu’en Belgique, ce qui en dit long sur le climat fiscal actuel."
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