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28 août 2012 2 28 /08 /août /2012 12:36

La loi autorise désormais les contrôles fiscaux à croiser de nombreuses données personnelles, sans en avertir les contribuables concernés.

"Ceux qui veulent une attitude cow-boy sont à la mauvaise adresse chez nous. La légitimité de notre action en tant qu’autorité publique dépend aussi du respect des législations sur la vie privée. Je suis convaincu qu’il y a moyen de faire des contrôles efficaces dans un cadre respectueux de la vie privée", déclarait en avril le président du SPF Finances Hans D’hondt dans "L’Echo".Le patron du fisc aurait-il depuis assoupli ses grands principes? À la Commission de la protection de la vie privée, on n’est pas loin de le penser. En cause: la loi, publiée vendredi au Moniteur, régissant l’utilisation de données à caractère personnel par le SPF Finances. Le texte permet de refuser l’accès d’un contribuable à son dossier fiscal, quand cela "nuirait à l’enquête et pour la durée de celle-ci". "On peut comprendre que, dans une période limitée, le fisc ait besoin de cette marge de manœuvre", convient-on à la Commission de protection de la vie privée. Celle-ci avait donc approuvé, du bout des lèvres et avec quelques réserves explicites, le projet de loi présenté en avril.Depuis, au lieu de prendre en considération ces réserves, le gouvernement a au contraire étendu le champ d’application de son texte, dont la version définitive va plus loin que celle présentée au printemps à la Commission. Le droit d’accès d’un contribuable à son dossier fiscal peut être suspendu quand ce contribuable fait "l’objet d’un contrôle, d’une enquête ou d’actes préalables à ceux-ci". "Cela doit être strictement délimité pour éviter des contrôles en long et en large sans que le contribuable n’ait le moyen de se défendre", dénonce la commission de protection de la vie privée. Elle compte maintenant sur les arrêtés d’application, pour baliser plus clairement les règles à suivre par les contrôleurs fiscaux lors de l’entrée en vigueur du texte au 1er janvier prochain.Croiser les données
Le ministre des Finances, Steven Vanackere (CD & V), se défend de toute velléité liberticide. Il assure que les règles européennes autorisent des dérogations aux principes de respect de la vie privée, notamment pour garantir un juste paiement de l’impôt. En l’occurrence, il s’agit d’éviter qu’un contribuable, alerté de soupçons de fraude, n’organise son insolvabilité, n’élabore des manœuvres dilatoires ou, plus fondamentalement, ne puisse connaître les détails des croisements de données (datamining) qui permettent au fisc de détecter les risques de fraude.

"Entre la nécessité de lutter contre la fraude et le respect de la vie privée, il est toujours compliqué de placer le curseur."
Christiane Vienne (PS),
Rapporteur des débats parlementaires sur la lutte contre la fraude

La nouvelle loi permet au fisc de croiser toutes les données administratives disponibles (y compris venant d’autres enquêtes ou d’autres départements). Cette faculté reste toutefois réservée à certains agents, après autorisation préalable du Service de sécurité de l’information et de protection de la vie privée, placé sous l’autorité directe de Hans D’Hondt. Cette instance est la seule à disposer des clés de décryptage des données personnelles. Les autorisations seront journalières et toutes les consultations de données seront archivées, afin de pouvoir déceler – et sanctionner- les éventuelles utilisations excessives.S’inspirer du ruling
"Différentes commissions d’enquête ont montré l’ampleur de l’impact de la fraude fiscale sur les finances de l’État belge. Je ne suis donc pas choqué à l’idée demieux armer les contrôleurs", commente le député Georges Gilkinet (Ecolo), président de la commission des Finances et qui a soutenu le projet de loi depuis l’opposition. Même son de cloche chez Christiane Vienne (PS), rapporteur des débats parlementaires sur le sujet. "Entre la nécessité de lutter contre la fraude et le respect de la vie privée, il est toujours compliqué de placer le curseur, dit-elle. Je rappelle, en outre, que tous les citoyens, loin de là, ne sont pas concernés par de telles enquêtes fiscales."
Gilkinet avait proposé une évaluation annuelle du système, afin de vérifier la manière dont l’administration utilise ses pouvoirs accrus. C’est ce qui se pratique, par exemple, vis-à-vis du ruling avec le rapport que le Service des décisions anticipées présente chaque année au Parlement. Cette piste n’a pas été retenue par la majorité.
Les suggestions de la N-VA ont aussi été rejetées. Elles visaient d’une part à limiter la suspension de l’accès au dossier à un an "afin d’inciter le SPF à agir avec célérité et efficacité"; et d’autre part, à obliger le fisc à informer le contribuable dès qu’il suspend l’accès à son dossier fiscal.

Pour le ministre des Finances, une telle obligation d’information pourrait s’avérer "contreproductive". Cela mettrait la puce à l’oreille de la personne soupçonnée qui pourrait alors "poser une série d’actes indésirables dans la perspective de l’enquête". Mais bien entendu, à un certain stade de l’enquête, le contribuable sera convié à faire entendre sa version des faits.

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